Après le reniement de sa signature apposée sur l’accord de Genève, Félix Tshisekedi joue maintenant sa survie politique. Entre les engagements pris à côté de ses pairs de l’opposition réunis dans la ville suisse, Fatshi a préféré, en dernière minute, se plier à la volonté de sa base.

Et pourtant Jean-Marc Kabund, secrétaire général de l’Udps, lui avait déjà intimé l’ordre, lundi matin, de se retirer de cet accord, endéans 48 heures. Sans attendre l’échéance de l’ultimatum, Fatshi s’est exécuté. Du coup, les masques sont tombés, Kabund est le vrai patron de l’Udps.

Qui de Félix Tshisekedi ou de Jean-Marc Kabund dirige réellement l’Udps ? La question est sur toutes les lèvres. Il y a quelques années, Félix Tshisekedi, alors Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi, n’était pas au devant de l’actualité. Isolé à sa résidence de Bruxelles, il était chargé des relations extérieures de l’Udps, évoluant loin de la direction politique du parti, dirigé des mains de maitre par son défunt père, Etienne Tshisekedi. A la mort de ce dernier, en février 2017, Félix, qui inversa en même temps son nom, mettant en avant Tshisekedi pour profiter sans doute de l’aura de son père, a été porté sur la scène politique.

Nombre d’observateurs de la scène politique le considéraient immature, parce qu’ayant évolué pendant toutes les années de lutte de l’Udps loin des réalités du terrain. Mais, en peu de temps, Félix Tshisekedi – profitant certainement du nom qu’il portait est parvenu à se défaire de ses concurrents directs, jusqu’à prendre la direction, au terme d’un congrès du parti. C’était la consécration. Félix Tshisekedi est depuis lors le président de l’Udps.

La tâche était énorme. Tout comme le poids de la fonction. Mais, Félix Tshisekedi, que l’on présente comme très attaché à sa mère, Mama Marthe comme aiment bien l’appeler les partisans de l’Udps est arrivé tout de même à imposer son nom. Sur la liste des opposants au régime du président Joseph Kabila, il fallait désormais compter avec Félix Tshisekedi.

Entre-temps, son parti, prend eaux de toutes parts. Entre le dialogue de la Cité de l’Union africaine, conclu le 18 octobre 2016 par un accord politique, et les pourparlers du Centre interdiocésain, d’où est né l’accord politique, dit du 31 décembre 2016, l’Udps a été le parti qui a été le plus saigné. De l’accord de l’UA, c’est Samy Badibanga, le chef du groupe parlementaire Udps & Alliés à l’Assemblée nationale qui a été happé par la majorité au pouvoir, avant que Bruno Tshibala, l’un des confidents d’Etienne Tshisekedi, ne traverse pour assumer jusqu’à ce jour les fonctions de Premier ministre.

Un parti qui a toujours navigué à vue

Depuis l’accord de la cité de l’UA, l’Udps a tout vécu. Contre vents et marées, Félix Tshisekedi est resté de marbre. Il ne faut pas non plus oublier que, du vivant de son père, Félix Tshisekedi a été le chef de la délégation des négociations secrètes engagées entre l’Udps et le président Joseph Kabila. Autrement dit, dans les couloirs du pouvoir en place à Kinshasa, Félix Tshisekedi n’a jamais été un étranger. En réalité, il a flirté avec tout le monde, notamment le cercle rapproché du président Joseph Kabila.

Mais, comme son défunt père, Fatshi sait bien jouer avec le temps. Il sait aussi se faufiler entre les mailles pour sauvegarder son statut d’opposant. C’est son principal fonds de commerce.

En effet, depuis l’ère Mobutu, l’histoire politique de la RDC ne s’est jamais écrite sans l’Udps. Après la mort inopinée du sphinx de Limete, c’est encore et toujours avec l’Udps à la manœuvre que s’écrit encore l’histoire politique de la RDC.

Dimanche 11 novembre à Genève, Félix Tshisekedi, agissant au nom et pour le compte de l’Udps, a apposé sa signature sur un accord qui formalise le candidat commun de l’opposition pour la présidentielle du 23 décembre 2018.

Lundi soir sur les antennes de Top Congo, Fatshi avoue l’avoir fait en « âme et conscience ». Cependant, sous la forte pression de sa base – une base qu’on ne sait pas clairement identifier – Fatshi a décidé de renier sa signature. Quelques instants après, c’est Vital Kamerhe de l’UNC qui lui emboite le pas. Curieux, s’il en faut.

Lundi dernier, tout s’est passé comme dans un scenario écrit à l’avance. Depuis Bruxelles, Fatshi a répondu aux questions de Top Congo en ayant devant lui un papier qui lui servait de guide.

C’est la preuve que l’interview a été préparée à l’avance. Et que Vital Kamerhe le rejoigne quelque temps plus tard, prouve à suffisance que les deux leaders se sont abreuvés à la même source – sans doute celle qui aura guidé leur décision. Laquelle ? Suivez mon regard.

Le plus évident est que Félix Tshisekedi a démontré noir sur blanc qu’il n’a jamais eu le contrôle de l’Udps. De toutes les négociations menées par l’Udps, depuis la cité de l’UA jusqu’au centre interdiocésain, en passant par des rencontres informelles avec des légués de Joseph Kabila, Félix Tshisekedi n’a jamais été maitre de ses décisions. Lundi 12 novembre 2018, il l’a encore démontré en reniant urbi et orbi sa signature apposée sur l’accord de Genève, prétextant s’être plié à la volonté de la base de l’Udps qui a manifesté toute la journée du lundi au siège du parti.

Kabund, le patron

La mise en scène a sauté tout de suite aux yeux. En grattant sur la couche repassée dans la précipitation, l’on s’est rendu compte qu’en réalité, Fatshi a obéi à son maitre qui n’est autre que Jean-Marc Kabund. Devant témoins, celui qui se présente comme le secrétaire général de l’Udps a donné juste 48 heures à son président, Félix Tshisekedi – le même qui l’a nommé à ce poste – pour retirer sa signature à l’accord de Genève. Fatshi n’a même pas attendu l’expiration de ce délai. Il n’a pas non plus eu le temps de consulter sa base – en tout cas celle sur qui il se réfère pour se rétracter. Il a craché sur un accord signé la veille, soit le dimanche 11 novembre à Genève, avec six autres leaders de l’opposition.

A tout prendre, c’est Kabund qui est sorti gagnant du duel qui l’opposait à son président. Quels que soient les arguments que Fatshi pourrait brandir, c’est Kabund qui a démontré sa capacité à dompter l’Udps et sa base. Président de l’Udps, investi au terme d’un congrès du parti, Fatshi s’est plié à la volonté d’une base mobilisée par le secrétaire général.

De l’avis de ceux qui sont passés devant le siège de l’Udps, la base à laquelle fait allusion Fatshi n’a été constituée que d’une poignée de jeunes une trentaine en moyenne. Quand dans un parti de la trempe de l’Udps, un groupe isolé de partisans arrive à dicter sa loi à la direction du parti, il y a de bonnes raisons de s’interroger sur la crise de leadership qui ronge depuis toujours l’Udps.

Quand un secrétaire général parvient à guider les décisions de celui qui l’a porté au trône, il y a évidement anguille sous roche. C’est la preuve que, depuis toujours, Fatshi n’a jamais eu les rennes de l’Udps. Il le gérait par procuration, tout en s’imposant des limites qu’il ne pouvait pas franchir. Genève a donc révélé ce qui se trame depuis toujours au sein de la fille ainée de l’opposition.

Fatshi est un roi nu. L’accord de Genève qu’il vient de quitter avec fracas a servi de déclic pour découvrir non seulement la personne mais surtout ses visées politiques.

Il est difficile aujourd’hui pour Fatshi de convaincre l’opinion que l’intérêt de la RDC a toujours guidé sa démarche politique. En passant en revue toutes les discussions informelles qu’il a eues avec Joseph Kabila ou ses délégués, le dialogue de la Cité de l’UA et les pourparlers du Centre interdiocésain, jusqu’à l’accord de Genève, Fatshi a exhibé la nature d’un homme politique indécis et versatile.

Croyant sauver son aura en se retirant de ce dernier accord, Fatshi s’est plutôt grillé politiquement. Il l’a d’ailleurs consigné dans l’acte d’engagement qu’il a signé à Genève.

Leadership déficitaire

En héritant prématurément l’Udps de son père, Fatshi ne s’est jamais mis dans la peau d’un leader. Il n’est jamais parvenu à habiter la fonction. Il a vécu et continue à vivre la présidence de l’Udps comme un conte de fées, sans jamais se représenter les grandes attentes que le peuple congolais a placé dans ce parti.

Un chef de parti, c’est quelqu’un qui doit avoir des nerfs solides pour ne pas céder à la pression de la rue. C’est aussi quelqu’un qui n’a pas les mains qui tremblent face à toute turbulence. Ce n’est pas la rue qui gouverne, c’est le leader qui montre la voie à suivre et il se définit par rapport à sa constance.
Nelson Mandela l’a bien décrit : « Toute personne qui change ses principes en fonction de ses interlocuteurs n’est pas une personne qui peut diriger un pays ».

Et M. l’Abbé Pierre de renchérir en ces termes : « Même si vous êtes seul et que personne ne vous suit, défendez toujours ce qui vous parait juste ».

À Genève, Fatshi n’a pas intériorisé cette sagesse. Sans conviction, c’est plutôt sa base qui l’a poussé à se rétracter.

Comme le peint si bien La Libre Belgique, Félix Tshisekedi a fait preuve d’« une légèreté et une inconstance qui rappellent les marivaudages successifs des cadres du parti depuis l’été 2016, avec les négociations pseudo secrètes à Ibiza et Venise, sans oublier que l’UDPS a déjà donné deux Premiers ministres à Joseph Kabila depuis que celui-ci est hors mandat ».

De toutes les façons, avec ou sans l’Udps, le peuple congolais gagnera le combat pour l’alternance démocratique. N’en déplaise à la base instrumentalisée de l’Udps qui offusque le leadership déficitaire de son président.

Le Potentiel

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