Entre CACH (Cap vers le changement), la coalition qui a porté Félix Tshisekedi au pouvoir, et le FCC, la plateforme électorale qui se reconnait en Joseph Kabila, il y a bel et bien un accord de cogestion qui a été signé. Sur les ondes de Top Congo, radio émettant à Kinshasa, Modeste Bahati Lukwebo, l’un des ténors du FCC, l’a confirmé. Avec sa majorité confortable à l’Assemblée nationale, la course à la primature s’annonce rude au sein du FCC. Entre-temps, le CACH reste silencieux, attendant certainement le bon moment pour rebondir. Le choix du Premier ministre sera le premier test pour mesurer la solidité de l’accord qui lie le FCC au CACH. C’est une question politiquement sensible qui va marquer le début de mandat du président Félix Tshisekedi.

Il n’y a plus de doute possible. Félix Tshisekedi est le président de la République démocratique du Congo. Les élucubrations de Lamuka, la coalition qui a soutenu la candidature de Martin Fayulu, arrivé 2ème à la présidentielle, n’y va rien changé.

Au 32ème sommet de l’Union africaine, qui vient de se terminer à Addis-Abeba (Ethiopie), le chef de l’Etat a marqué des points importants à l’échelle continentale. Il aura été la grande vedette du sommet, porté d’ailleurs à la deuxième vice-présidence de l’UA pour l’année 2019. Après sa première tournée diplomatique réussie, Félix Tshisekedi doit maintenant se concentrer sur le front intérieur où l’attend au tournant la bataille pour la primature.

Au FCC, la plateforme électorale de Joseph Kabila, son prédécesseur, on n’attend pas transiger sur le principe. Avec sa forte majorité à l’Assemblée nationale où le FCC revendique plus de 330 députés nationaux, cette méga plateforme est convaincue d’avoir le contrôle du gouvernement. En interne, chacun cherche déjà à se positionner pour avoir droit à la grande part lorsque viendra le moment du partage des postes ministériels. Modeste Bahati Lukwebo, autorité morale de l’AFDC-A, première force politique du FCC en termes de sièges à l’Assemblée nationale et aux différentes assemblées provinciales, a d’ores et déjà annoncé les couleurs.

Bahati se déchaîne

Sur Top Congo, radio émettant depuis Kinshasa, Modeste Bahati n’y est pas allé par le dos de la cuillère. Alors que certaines languies l’annonçait en négociations très avancées avec Cach en vue de former une nouvelle majorité parlementaire, Bahati a balayé d’un revers de la main cette hypothèse.

« Il n’y a pas d’accord particulier. Le seul accord qui existe et que nous exécutons, c’est celui qui a été signé par le chef de notre famille politique, FCC, Joseph Kabila, et le Cach, représenté par le président Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe ». Cet accord, a-t-il poursuivi, est bâti sur le principe de la « cogestion » du pays entre le FCC et le Cach. En même temps, Bahati réclame à ce que les « équilibres politiques » soient pris en compte dans la répartition des responsabilités au niveau des institutions.

Quant à la désignation du Premier ministre, Bahati rappelle que la primature devrait lui revenir de droit, compte tenu du poids politique de son regroupement, l’AFDC-A. Il n’exclut pas cependant les négociations pour y arriver. Prudent, il se dit qu’un arbitrage s’impose entre « le droit et la réalité ». « Tout cela se négocie. Nous n’avons pas une exigence particulière, mais nous faisons entendre notre voix ».

« Le principe, sous d’autres cieux, [Ndlr : la Primature à l’AFDC-A] devrait être automatique. On ne devrait même pas en discuter. Nous sommes la deuxième force politique, si la première force politique prend la tête d’une institution, la deuxième devrait prendre la tête de la deuxième institution […] L’AFDC-A est en droit de réclamer la tête d’une institution, soit l’Assemblée nationale, soit la Primature », a indiqué Modeste Bahati.

Il écarte, malgré quelques dissensions internes, l’idée de quitter le FCC pour s’allier au Cach. Par conséquent, il pense plutôt poser ses revendications au sein du FCC et non ailleurs. « Tout se négocie au sein du FCC, pas ailleurs. Nous restons unis. Nous constituons un bloc autour de Joseph Kabila et nous marcherons toujours avec lui ».

Le FCC a annoncé ses couleurs. Il reste uni. Tout comme sa majorité à l’Assemblée nationale. Une donne qui va peser dans la dernière délibération du chef de l’Etat dans le choix du Premier ministre.

L’on retiendra en effet que les tiraillements n’altèrent pas le principe. Le FCC est convaincu de proposer le Premier ministre qui sera inévitablement issu de ses rangs. Les sorties médiatiques de Modeste Bahati sont donc à mettre dans le compte des enchères que l’autorité morale de l’AFDC-A fait monter pour tirer son épingle du jeu.

Qu’en est-il alors du côté de Cach ? Pour l’instant, la position de Cach reste inconnue. Le chef de l’Etat, tout comme son directeur de cabinet, Vital Kamerhe, restent encore muets sur le sujet. On sait malgré tout que les négociations s’intensifient dans les deux camps. Et c’est loin de la scène politique que Joseph Kabila, autorité morale du FCC, tirerait les ficelles. Car, en réalité, c’est lui qui aura, en tant qu’autorité morale du FCC, la plénitude de proposer au chef d’Etat le candidat du FCC à la primature. Doit-on s’attendre à un chèque en blanc que le président Félix Tshisekedi devra valider sans broncher ?

Dans les milieux du Cach, on est opposé à cette hypothèse, évoquant le pouvoir discrétionnaire du chef de l’Etat qui a le droit de choisir en toute liberté le profil du candidat Premier ministre qui correspond à son programme.

Un accord à l’épreuve

C’est dire combien le choix du Premier ministre est délicat. La solidité de l’accord qui lie le FCC au Cach en dépend énormément. Peut-on s’attendre à ce que cet accord implose juste à ses débuts ? Rien n’est exclu.

Il faut cependant reconnaitre que les premières frictions qui sont apparues au sein du FCC augurent des lendemains très agités.

Autour de Joseph Kabila, autorité morale du FCC, la course vers la primature oppose plutôt le PPRD à l’AFDC-A de Bahati Lukwebo. Comme un bon félin, Modeste Bahati n’a pas caché ses ambitions. Il estime que son regroupement politique, deuxième force politique du FCC, doit se partager la gestion d’une institution avec le PPRD.

Dans ses calculs, Bahati lorgne entre l’Assemblée nationale et le gouvernement. Par déduction, il suppose que si le PPRD prend l’un, l’autre devrait automatique lui revenir. Autant de frustrations que le président Félix Tshisekedi devra gérer pour ne pas gêner l’accord qui le lie au FCC ; un accord qu’il a d’ailleurs paraphé, à en croire Modeste Bahati, au nom du Cach.

Le Potentiel / MCP

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