La coalition FCC- CACH, incarnée de part et d’autre par le PPRD et l’UDPS, est sur le point de virer à un affrontement. Les deux se détestent et sont depuis lors en mode « coup pour coup ». A Kinshasa, tout comme à Kolwezi, chef-lieu du Lualaba, des effigies de Kabila, leader du FCC, et du chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, ont été brûlées par des militants surexcités. Des signes avant-coureurs d’une insurrection qui ne dit pas son nom.
Une marche pour soutenir la gratuité de l’éducation de base à Kolwezi, dans le Lualaba, a failli tourner en un affrontement entre les militants de la coalition au pouvoir.
Des effigies du chef de l’Etat Félix Tshisekedi ont été brûlées par les militants du PPRD. Ce débordement avait commencé à Kinshasa quelques heures auparavant où un groupe de jeunes a vandalisé une affiche de Kabila. La scène est passée presqu’inaperçue, avant que Kolwezi ne s’embrase.
Dans la classe politique, des réactions fusent. Tous craignent désormais une escalade qui risque de ramener à la surface le vieux démon de la division sur fond d’une guerre interethnique. A ce stade, on est encore loin de ce cas de figure. Mais, le décor d’une insurrection à grande échelle est bien là.
Que dire ?
En réalité, ce sont les deux partis phares de la coalition FCC – CACH, à savoir le PPRD et l’UDPS, qui s’affrontent. Loin d’aplanir leurs divergences en interne, ils ont préféré maintenant les étaler sur la place publique. La crainte est que c’est toute la République qui risque d’en pâtir. C’est l’équilibre des institutions issues des élections du 30 décembre 2018 qui est menacé. Il faut vite éteindre le feu, avant qu’il ne prenne des dimensions incontrôlables. Au PPRD, tout comme dans l’UDPS, on en est bien conscient.
Pour preuve, depuis les incidents du samedi 9 novembre à Kolwezi, des messages d’indignation viennent de partout. Tous les leaders condamnent une escalade qui pourrait vite basculer vers l’horreur, si on tarde à l’étouffer dans l’œuf.
A Kolwezi, chef-lieu du Lualaba, son gouverneur, Richard Muyej, est sorti de son silence pour inviter les uns et les autres à l’accalmie. Même son de cloche au FCC où son coordonnateur, Néhémie Mwilanya, a abondé dans le même sens.
En revanche, à l’Udps c’est la colère. Le président a.i de l’Udps, Jean-Marc Kabund n’a pas son indignation. « Brûler l’effigie du chef de l’Etat dont la personne est inviolable sous la barbe du gouverneur de province, des responsables de l’ANR et de la police est inacceptable. Par conséquent, Nous avons (CACH) arrêté toutes discussions avec le FCC, jusqu’à ce que les responsabilités soient établies », a-t-il réagi sur son compte Twitter.
Il est vrai que toutes les parties mesurent la gravité de la situation, cependant, personne n’a le courage de nommer la racine du mal. Le fond du problème c’est que la coalition FCC – CACH est en train d’étaler au grand jour ses incohérences. Les deux têtes n’émettent plus sur une même longueur d’ondes et, bien plus, ne partagent plus le même agenda. Le PPRD et l’UDPS ont juste été unis par un sort qu’ils n’arrivent pas à assumer. Ce qui justifie les frictions répétitives qui surgissent de leur idylle.
Jean Marc Kabund est d’avis que « ces actes sont condamnables et leurs auteurs punissables par la loi. Je tiens également à rappeler aux uns et autres que ces actes peuvent entraîner une escalade de violence non maîtrisable et préjudiciable à notre jeune démocratie ». Conciliant sur le tard, il appelle par conséquent « les cadres des partis politiques membres de la coalition FCC-CACH à faire comprendre aux militants le bien-fondé de la coalition au pouvoir et à leur inculquer des modes de résolution pacifiques des différends. La RDC a besoin d’énergies des uns et des autres pour sa construction et non pour la violence aveugle. Je lance donc un message de paix et de coexistence pacifique et de respect de tous nos dirigeants ».
Au FCC, on joue également à l’apaisement. Son coordonnateur Néhémie Mwilanya est paru plus modéré. « Dans une démocratie, aucune violence, quelle qu’en soit la forme et d’où qu’elle vienne n’est tolérable. Le FCC, plateforme politique des valeurs, condamne les actes répréhensibles de ces dernières 72h posés par les militants des différents bords », rappelle Mwilanya, estimant que « ces actes soulèvent la pertinente question de la responsabilité constitutionnelle des partis et regroupements politiques dans l’éducation civique de leurs membres ». Il appelle par conséquent « à l’apaisement et au sens élevé de responsabilité de tous les répondants de la coalition ».
A tout prendre, tout se ramène dans la fragilité de la coalition FCC – CACH. Les leaders du PPRD et de l’UDPS doivent briser la glace. Il ne sert à rien d’entretenir indéfiniment la langue de bois. Ils ont l’obligation de dire la vérité à leurs militants. C’est la meilleure façon de les calmer aux fins d’éviter l’irréparable, dont les conséquences pourraient embraser toute la République.
A Kolwezi, Richard Muyej, gouverneur du Lualaba, fait déjà un rapprochement à l’épuration ethnique de triste mémoire qui a ensanglanté le Katanga au début des années 1990. « Il ne faut pas jouer avec le feu », avertit-il, conscient que le décor est en train d’être planté pour un affrontement qui risque vite de virer à un conflit interethnique.
Pour l’UDPS, les leaders ont l’obligation d’expliquer clairement à leurs « combattants », le soubassement du deal conclu avec le FCC de Joseph Kabila. La langue de bois ne va pas résoudre le problème. Bien au contraire, elle ne fera qu’envenimer la situation jusqu’à ce qu’on en perde le contrôle. Le moment est venu de rompre avec l’hypocrisie et de clarifier le deal.
Le Potentiel