La République démocratique du Congo (RDC) a gelé, à titre conservatoire, les avoirs d’un homme d’affaires libanais propriétaire de la méga-boulangerie Pain Victoire de Kinshasa, en application de sanctions du Trésor américain qui l’accuse d’être un des principaux financiers du Hezbollah. Les liens entre ce ressortissant libanais tout-puissant à Kinshasa et la famille Kabila avait déjà été mis en avant par diverses publications.

Le 13 décembre, le département du Trésor américain a sanctionné deux ressortissants libanais Nazem Said Ahmad et Saleh Assi propriétaires de plusieurs entreprises en RDC (notamment la méga-boulangerie Pain Victoire, la minoterie Minocongo et la société de transports TransGazelle), accusés d’avoir financé, à hauteur de dizaines de millions de dollars, « les activités du groupe terroriste Hezbollah ».

Le communiqué du Trésor américain explique : « Assi et ses entreprises se livrent à des stratagèmes d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent en RDC qui génèrent des profits illicites de dizaines de millions de dollars par an, dont une partie est transférée à des cadres supérieurs du Hezbollah au Liban. Les recettes générées par les stratagèmes d’Assi sont livrées au Liban via des transferts de trésorerie en vrac ou blanchies par les entreprises diamantaires de Nazem Ahmad (l’autre personne sanctionnée par le Trésor américain). Au cours de la dernière décennie, Assi a utilisé de tels stratagèmes pour canaliser des dizaines de millions de dollars. Assi a également participé à un stratagème d’évasion fiscale avec plusieurs autres financiers et associés américains désignés du Hezbollah, notamment Tabaja, Nazem Ahmad, Mohammad Bazzi et Kassem Tajideen ».

Le même communiqué du Trésor américain met aussi en évidence le navire Flying Dragon « identifié aujourd’hui comme propriété bloquée dans laquelle Saleh Assi a un intérêt. En mai et juin 2019, Assi a utilisé un compte commercial Inter Aliment SAL (Off-Shore) pour transférer des millions d’euros pour le paiement du Flying Dragon », navire aperçu en Espagne au mois de septembre dernier.

Financement du terrorisme international

Ces deux hommes sont donc pointés du doigt pour le financement du terrorisme international. Ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis ou des ONG ciblent les activités de certains ressortissants libanais en RDC dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme. On se souviendra que l’ONG The Sentry, cofondée par l’acteur américain George Clooney, avait déjà épinglé la complicité d’une banque installée à Kinshasa disposant de liens étroits avec la famille Kabila dans le cadre de ces dossiers.

Ce mardi, suite à cette intervention du Trésor américain, le gouvernement congolais, qui tient à éviter de se fâcher avec Washington, a annoncé que « la Banque centrale du Congo a écrit à l’Union congolaise des Banques pour que les avoirs de monsieur Saleh Assi et de toutes ses entreprises soient gelés, ainsi que le gel de toutes les transactions à partir de ses comptes« , après un conseil des ministres spécial présidé par le président Félix Tshisekedi. Cette mesure vise à « éviter les effets néfastes de ces mesures (américaines) sur l’économie et les populations (congolaises), a-t-il ajouté, indiquant qu’« il a été décidé la nomination d’un administrateur indépendant en attendant une solution pérenne, et ce, conformément aux prescrits de la décision du Département du Trésor américain », selon le porte-parole du gouvernement.

Le Conseil des ministres a également décidé « l’ouverture de nouveaux comptes » pour les entreprises appartenant à ce roi du pain de Kinshasa placées désormais sous la gestion d’une « nouvelle administration » nommée par l’État.

Une boulangerie incontournable

Le poids de cette entreprises est telle à Kinshasa et dans la région que le pays ne peut s’en passer. Ces mesures conservatoires ont donc pour objectif d’éviter des dysfonctionnements dans la fourniture de la production de cette méga-boulangerie industrielle qui nourrit des millions de Kinois et d’habitants de la région.

Fin mars 2018, M. Assi avait été entendu par la justice congolaise qui l’accusait d’avoir, sans autorisation et sans raison, augmenté le prix du pain, avec, selon les autorités, le risque de mettre en danger la stabilité du pays. La petite baguette de base était passé du jour au lendemain de 200 francs congolais à 300 FC, tandis que le pain “carré” augmentait lui aussi de 100 FC passant de 300 à 400 FC.

La libre Afrique

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