Dans un forum national sur la problématique du déficit de l’énergie électrique dans notre pays, tenu dans la capitale congolaise, il y a quelques décennies, au centre des affaires de la commune de la Gombe, à peine commencé, le discours officiel de démarrage des travaux, très suivi, est brutalement interrompu. Soudain, la salle de conférences d’un grand hôtel de la place est plongée dans l’obscurité et dans un silence de cimetière. La nuit noire en plein jour. Impensable dans un pays qui possède un potentiel hydro-électrique gigantesque que lui envient de nombreux pays africains.
Ironie du sort ! L’orateur du jour devenu aphone, c’est le ministre du secteur en personne ayant en charge l’électricité et les ressources hydrauliques dans ses attributions. Il n’en revient pas et interroge son entourage. Ailleurs, on aurait vite crié au « sabotage ». Comme pour effacer l’affront, d’un ton sévère, il demande à son parsec de téléphoner d’urgence au D.G. de la Snel. Et pendant que le collaborateur de son Excellence tente de joindre le patron de la Société nationale d’électricité, la lumière est rétablie. Miracle ? Non. La direction technique de l’hôtel, très opérationnelle, a lancé le groupe électrogène de secours. Et le ministre d’humoriser avant de poursuivre son allocution : « le D.G. vient d’échapper belle à une demande d’explication ! » En réalité, c’est le groupe électrogène qui a sauvé le responsable de la Société nationale d’électricité du courroux du patron du secteur.
Dans une polyclinique de cette commune, les ronronnements bizarres de climatiseurs s’arrêtent. «Le courant est parti !» crie le garçon de salles qui alerte le surveillant pour aller vérifier quelle « phase » est interrompue et sur quelle autre. Tous les appareils de l’imagerie médicale, ceux alimentant la respiration artificielle et autres ne fonctionnent plus, à cause d’une interruption soudaine du courant électrique. Au pavillon pédiatrique, les couveuses électriques ont cessé d’alimenter les prématurés. Tout le personnel médical, y compris le médecin-directeur, sont dans tous leurs états. Si aucune solution n’intervient dans les vingt minutes, une catastrophe guette cette polyclinique. Et comme si leur prière est exaucée, le courant électrique est rétabli dix minutes plus tard sur une autre ligne.
Autre cas : pendant que l’équipe des boulangers et des pâtissiers d’un grand restaurant du centre-ville s’apprête à introduire les plateaux de gâteaux dans les fours électriques, et les cuisiniers en faire autant avec des tranches de viande de porc et de boeufs, ainsi que des poulets, l’électricité est partie. En quelques minutes, les nombreux invités, estomac creux, vont assiéger la grande salle du restaurant. Les premiers arrivants se désaltèrent avec des mesures de whisky, des apéritifs et de la bière. Question de creuser davantage l’estomac.
Délestages en série à Gombe
L’électricité à Gombe, se signale par des coupures intempestives prolongées. Dans la capitale, c’est depuis deux décennies que le «délestage» est entré dans le langage courant de consommateurs du courant électrique, le phénomène était plus enregistré dans les 23 communes de Kinshasa, Gombe qui n’avait pas encore enregistré le grand boom immobilier, en était épargné. Une exception. Dans les autres communes, des termes et expressions techniques sont même entrés dans le langage populaire. «Feeder», transformateur avarié, disjoncteur déclenché, des brins grillés. Seul le départ unique fonctionne. Des clients sur une ligne sont hors service, câbles défectueux, câbles surchargés et tutti quanti.
Depuis le début de cette année, la contagion des pannes dans le circuit de distribution basse et moyenne tension affecte la commune de la Gombe. Le phénomène, qui devient récurrent, requiert des explications pour rassurer les consommateurs de cette commune, parmi lesquels on compte des maisons commerciales, des boulangeries, des restaurants, des hôtels, des banques commerciales des super-marchés et des polycliniques. Ce n’est pas tout. Dans le périmètre de l’avenue Roi Baudouin et celui du Boulevard du 30 Juin de nombreuses ambassades et représentations diplomatiques, des écoles et immeubles de services importants de l’Etat sont régulièrement «délestés».
Si quelques magasins et supermarchés ont pu s’équiper en groupes électrogènes de secours, il n’en est pas le cas pour d’autres entreprises étatiques ou privées, dont le personnel en profite pour vaquer à d’autres occupations. Bureaux fermés, service abandonné, les agents s’empressent d’aller siroter un verre à la cité ou partager quelques grillades dans les communes proches. Un manque à gagner important pour le Trésor public. Il en est de même pour les écoles de cette même commune. Dès que l’obscurité envahit les salles de classes et les bureaux du personnel administratif et pédagogique, le premier réflexe est de quitter les lieux.
Pour de nombreuses sociétés de services, de petits groupes électrogènes de secours qui alimentent quelques lampes, ordinateurs et imprimantes permettent à ces unités de production de se rendre utiles aux clients. Car, il y a toujours des demandes de services à satisfaire. Que dire aussi de ces salons de coiffure dont l’équipement ne fonctionne que grâce au courant électrique ?
A la lumière de nombreux désagréments enregistrés à la suite de coupures intempestives du courant électrique, les abonnés les plus solvables du Centre-ville se demandent pourquoi la Snel ne fournit aucune explication rassurante, ni ne dépêche ses équipes techniques pour tenter de détecter les principales pannes qui parsèment son réseau de distribution. La colère monte et les entreprises de production ne savent plus à quel saint se vouer. Une fois encore, le silence de dirigeants de la Snel inquiète plus d’un. Vivement, on attend d’eux autant des explications que des solutions à ces nombreuses coupures enregistrées ces temps derniers !
J.R.T.
Le Phare