Le mouvement citoyen « LUCHA » (Lutte pour le changement) rejette, lui aussi, le projet d’une force régionale Est-Africaine de paix à l’Est de la République démocratique du Congo et soumet, à l’appréciation du président de la République ses contre-propositions citoyennes.
Alors que le troisième conclave régional des chefs d’Etat sur la République démocratique du Congo auquel a personnellement participé le président Tshisekedi à Nairobi ce lundi 20 juin, vient de valider l’activation et le déploiement d’une force régionale de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC) dans la partie orientale de notre pays, la Lucha attire l’attention de Félix Tshisekedi sur la présence de plusieurs armées en coalition, en mutualisation, en mixture d’opération ou en force de maintien de la paix dans la partie Est de la RDC. « Vous n’êtes pas sans savoir que toutes les armées de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est sont déjà présentes dans l’est de notre pays, sous une forme ou une autre », introduit la Lucha dans sa correspondance au président de la République.
L’Est de la RDC regorge de toutes les forces nécessaires
« L’armée rwandaise est associée au M23 au Nord-Kivu et soutient le Red-Tabara au Sud-Kivu, en plus des opérations dites spéciales qu’elle mène ponctuellement sur notre territoire avec votre permission. L’armée ougandaise que vous avez invitée, opère ouvertement au Nord-Kivu et en Ituri (opération Shujaa) depuis novembre 2021. L’armée burundaise opère régulièrement au Sud-Kivu, et l’armée sud-soudanaise dans la province du Haut-Uélé. Quant aux armées tanzanienne et kenyane, elles sont déjà présentes au Nord-Kivu et en Ituri dans le cadre de la Brigade d’Intervention (FIB) des Nations unies », rappelle très lumineusement le lourd courrier de la Lucha. Pour cette structure citoyenne, la force concoctée à Nairobi n’est pas une nécessité.
Plusieurs membres de 110’EAC impliqués dans les agressions en RDC
La Lucha fait un bref rappel à Félix Tshisekedi concernant le caractère bicéphale de certains États dans la gestion de la crise sécuritaire de la RDC. Les mêmes États soutiennent la déstabilisation du Congo pendant que les mêmes, donnent l’impression de vouloir chercher des solutions au problème. « Au moins trois sur sept Etats membres de l’EAC sont impliqués depuis plus de deux décennies dans l’agression et la déstabilisation de notre pays à travers des interventions directes de leurs armées ou, par procuration, à travers des groupes armés. Le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, et dans une moindre mesure le Soudan du Sud, font face à des rébellions ayant des bases arrières dans l’est de la RDC, et régulièrement ils s’accusent entre eux de déstabilisation », redige sérieusement la Lucha. Pour ce mouvement citoyen non-violent, toutes ces puissances régionales se disputent des intérêts précis en République démocratique du Congo : « elles se disputent l’influence, voire le contrôle d’une partie de notre pays pour des raisons aussi bien sécuritaires, économiques que géopolitiques, si bien que plus d’une fois, elles ont eu à s’affronter sur notre territoire, directement ou par groupes armés interposés ».
A la particulière attention du président Félix Tshisekedi, la Lucha affirme qu’en plus de l’armée congolaise, de la centaine de groupes armés locaux et étrangers, et des armées des pays voisins, « il y a également la présence de milliers de Casques Bleus de l’ONU qui sont déployés dans l’est de la RDC depuis plus de 20 ans. Au regard de ces éléments factuels, explique la Lucha, l’idée d’une force régionale, comprenant des armées hostiles ou déjà présentes sur notre territoire, pose de multiples problèmes d’ordre politique, stratégique, et même opérationnel. Et il ne suffit pas de mettre à l’écart l’armée rwandaise de cette force régionale : la participation des armées ougandaise, burundaise et sud-soudanaise est tout aussi indésirable », martèle l’organisation.
La Lucha invite Tshisekedi à renoncer à la force régionale
« Nous rejetons vigoureusement le projet de déploiement d’une nouvelle force régionale et vous appelons à y renoncer sans atermoiements », recommande la Lucha, qui, propose à Félix Tshisekedi de « requérir du Conseil de Sécurité de l’ONU, le renforcement de la Brigade d’Intervention en troupes (par les pays de la région à l’exclusion du Rwanda, de l’Ouganda, du Burundi et du Soudan du Sud) ainsi qu’en moyens logistiques ». Très intelligiblement, ils suggèrent « que la structure de commandement de cette brigade renforcée devra être plus autonome à l’égard du reste de la force de la MONUSCO, ses règles d’engagement plus souples en vue d’assurer sa proactivité, et ses objectifs plus clairement énoncés et assortis d’un chronogramme fixe ». Afin de réduire les effectifs militaires inutiles dans l’Est du pays et d’optimiser les ressources, la Lucha incite Tshisekedi à « demander le retrait immédiat du reste de la force de la MONUSCO et l’allocation des ressources dégagées à la Brigade d’Intervention ainsi renforcée ». Il en est même de l’opération « Shujaa » avec l’armée ougandaise pour laquelle l’organisation formule le vœu de « mettre immédiatement un terme et à toute autre éventuelle opération d’une armée étrangère qui serait en cours en RDC avec l’autorisation du président de la République. »
Que Tshisekedi rende publics les accords avec le Rwanda
Dans le même ordre d’idées, en vue de dissiper tout soupçon au sein de opinion publique congolaise, la Lucha encourage le chef de l’Etat à « rendre publics, ou à tout le moins transmettre au Parlement, tous les accords militaires et économiques passés avec l’Ouganda, le Rwanda/M23 et le Burundi depuis votre arrivée au pouvoir ». Une exigence déjà rappelée par de nombreuses autres organisations tant politiques que de la société civile.
Il faut remplacer le coordonnateur du programme DDRC-S jugé proche des terroristes, ajoute la lettre de la Lucha qui va plus loin dans sa liste des propositions en demandant à Félix Tshisekedi de « mettre en œuvre le programme DDRC-S, lui doter d’un cadre légal plus approprié, d’un leadership consensuel et crédible en lieu et place de son coordonnateur actuel, l’ex-chef rebelle pro-Rwanda et pro-balkanisation, Tommy Tambwe ». De vive voix, le mouvement pro-démocratie estime qu’il est urgent de saisir sans délai les Nations unies en vue de la création urgente d’un « tribunal pénal international pour la RDC ou d’un mécanisme judiciaire équivalent pour juger les principaux auteurs congolais et étrangers des crimes de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis sur le sol congolais depuis 1990 jusqu’à ce jour ». Au même moment, faire adopter rapidement une stratégie nationale globale de justice susceptible d’assurer à toutes les victimes « le droit à la vérité, aux compensations, aux réparations, à la mémoire et aux garanties de non-répétition ». Car, souligne-t-elle, comme le montre encore la résurgence du M23, « sans la justice, la paix et la cohésion nationale resteront illusoires ».
Jeanric Umande
Ouragan