Conférence internationale des donateurs à Genève, controverse autour des machines à voter et du ficher électoral à Kinshasa, choix du dauphin du président Joseph Kabila… De passage à Paris, André-Alain Atundu Liongo, porte-parole de la Majorité présidentielle (MP) en RDC, s’est confié à Jeune Afrique.
La Majorité présidentielle (MP), coalition au pouvoir en RDC, abonde toujours dans le même sens que le gouvernement. Et ce n’est pas la crise humanitaire qui changerait la donne. Jeudi 12 mars, à la veille de la conférence internationale des donateurs sur la RDC, prévue ce vendredi à Genève, André-Alain Atundu Liongo, porte-parole de la MP, a indiqué à Jeune Afrique que celle-ci soutenait « absolument » le refus de Kinshasa de ne pas prendre part à cette rencontre.
Lors de son séjour à Paris, ce dernier administrateur général du Service national d’intelligence et de protection (Snip) sous Mobutu, devenu porte-voix de la MP, est revenu en effet sur les faits saillants de l’actualité congolaise. De la conférence internationale de donateurs au choix difficile et risqué du dauphin du président Joseph Kabila, en passant notamment par la polémique autour de la machine à voter.
N’est-ce pas inquiétant de voir un État en pleine crise humanitaire bouder l’aide humanitaire internationale ?
André-Alain Atundu Liongo : Ce sont pour des raisons de dignité que le gouvernement a pris cette décision, partagée d’ailleurs par un des donateurs : les Émirats arabes unis. Car la solidarité humaine demeure certes un droit universellement reconnu pour tout individu, un groupe d’individus ou une communauté qui se trouve en difficulté, mais la souveraineté nationale, qui implique la sauvegarde de la dignité d’un peuple, est un devoir que les institutions doivent veiller à respecter. Il est inacceptable de présenter la RDC comme un pays où les problèmes sécuritaires sont du même niveau que ceux de la Syrie.
Nous soutenons par ailleurs la décision du gouvernement de créer un fonds de 100 millions dollars pour des problèmes humanitaires dans notre pays.
À Kinshasa, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a rendu public, le 6 avril, le fichier électoral nettoyé. Mais des chiffres revus et corrigés sont loin de rassurer l’opposition. Qu’en est-il de la coalition au pouvoir ? En êtes-vous satisfaits ?
L’attitude de l’opposition est irresponsable et dangereuse. Elle fait montre d’une grande superficialité en décrétant, sans preuves contraires, que le fichier électoral n’est pas fiable. Il y a pourtant de la part de la Ceni une présomption de bonne foi : elle a d’abord enregistré 46 millions d’électeurs et aujourd’hui, après nettoyage, il ne reste que 40 millions. À notre sens, la Ceni joue la transparence.
Certaines voix s’élèvent pourtant pour dénoncer des chiffres anormalement bas à Kinshasa et dans les autres régions du pays, réputées favorables à l’opposition…
C’est une impression. Il faut que ces allégations soient soutenues par des faits pertinents. Parce que les chiffres des électeurs inscrits d’une région à une autre dépendent d’un certain nombre de circonstances, notamment de l’engouement.
Autre controverse : les machines à voter. Malgré les critiques, le camp du président Joseph Kabila continue-t-il à soutenir le recours à ces engins ?
Confondre les querelles coréo-coréennes sur les conditions de passation des marchés et la fiabilité de la machine à voter introduit un amalgame malsain pour notre démocratie. Les dés sont jetés pour les élections ! Corrigeons les imperfections éventuelles liées au processus électoral mais ne créons pas des obstacles à partir des soupçons injustifiés.
Pourquoi ne pas abandonner l’option de ces machines à voter pour rassurer tout le monde, comme le recommande l’opposition ?
Il faut poser la question à qui de droit. Sachez tout de même que la Ceni a fait recours à la machine à voter – qui est en réalité une imprimante – parce que l’accord politique du 31 décembre 2016 lui a demandé de trouver des moyens de diminuer la pénibilité et le coût des opérations de vote. Tout ne doit pas être politique.
Sur le terrain politique, en annonçant sur RFI que l’opposant Moïse Katumbi sera « bientôt condamné » dans une affaire d’usurpation de nationalité congolaise, Emmanuel Ramazani Shadary, secrétaire permanent du PPRD, principal parti de votre coalition, n’a-t-il pas donné raison à ceux qui accusent la justice congolaise d’être instrumentalisée par le régime ?
Cela fait partie de l’ambiance préélectorale. Aucune incidence sur le processus électoral. D’autant que la déclaration de Ramazani Shadary n’est pas un jugement de justice. Pour le cas de Moïse Katumbi ou autres, les juges congolais ne peuvent condamner quelqu’un parce que M. Ramazani Shadary a parlé, les jugements étant prononcés sur base des faits pertinents et de l’intime conviction des juges.
En attendant, quand la MP compte-t-elle présenter aux Congolais son candidat à la présidentielle du 23 décembre ?
Nous attendons le moment opportun parce que nous devons faire quelques réglages internes, gérer les ambitions individuelles en fonction de notre ambition commune de garder le leadership sur la gestion du pays.
Cela voudrait-il dire que ces « ambitions personnelles » compliquent le choix du dauphin par le président Kabila, votre « autorité morale » ?
Choisir un homme n’est jamais facile. En France par exemple, le Parti socialiste et Les Républicains ont dû passer par des primaires pour choisir leur candidat respectif. Nous nous devons de tirer les leçons de leur expérience et prendre toutes les précautions pour que cette opération de désignation de notre candidat n’occasionne pas l’éclatement de la Majorité présidentielle ou son affaiblissement.
Trésor Kibangula
Jeune Afrique