La solitude, l’abandon, le dégoût… autant d’attitudes se bousculent dans l’esprit de l’autorité morale du FCC. Qui l’eût cru que cet homme à qui les thuriféraires, prêts à lécher les bottes hier, vouaient tout le culte de vie ou de mort, lui tourneraient le dos au moindre coup de vent ! Lâché par les siens, même les plus fidèles, Kabila est aujourd’hui l’homme seul. Et le petit groupe qui semble encore résister, ne le sera pas pour longtemps face à la force du changement. L’ancien président de la République vit l’expérience selon laquelle « quand le navire doit sombrer, les rats sont les premiers à le quitter ». Fini les beaux jours de Kingakati…
Il y a deux ans, aucun analyste ne pouvait prédire un tel scénario, celui de la fin brusque de l’influence de Kabila dans l’arène politique. En réalité, Tshisekedi a réussi à faire aboutir la révolution pacifique anti-Kabila !
Cela est d’autant une évidence que l’homme qui a dirigé d’une main de fer le Congo de Lumumba pendant 18 ans, était loin de s’effacer dans l’activisme politique. Surement, mal conseillé. Alors que la Constitution ne lui permettait pas de briguer un nouveau mandat et qu’il a officiellement transmis le pouvoir le 24 janvier 2019, l’ancien président continuait à maintenir son influence comme pour se faire « chef » pour toujours. Ce qui lui a valu le surnom, depuis un certain temps, du « Roi Léopold II » à cause de son obstination manifeste d’avoir toujours une mainmise sur la RDC à l’instar de l’ancien monarque belge alors qu’il n’est plus au pouvoir.
Mais c’était sans compter avec le tact politique du nouveau locataire du Palais de la nation. Fils du sphinx de Limete, Félix Tshisekedi a su, tel un fauve attendant patiemment le faux pas de sa proie, enterrer l’alliance qui le liait à Joseph Kabila. Ce mariage « contre-nature », scellé pour asseoir la stabilité du pays, au lendemain de la présidentielle de 2018, n’a pas résisté à la multiplication des frictions.
Les auteurs des frictions sont connus. Les mêmes caciques qui pensaient s’abriter déjà, voyant des signaux de justice du nouveau pouvoir de Kinshasa, dans une majorité parlementaire conçue au service d’un individu : l’autorité morale. Ils étaient tous loin de comprendre qu’ils creusaient leur propre tombe face à un président qui s’affichait indifférents à des humiliations répétées et inutiles. Or, Félix Tshisekedi n’a pris soin que de préparer en tout silence son rebond et pour tout contrôler.
C’est pour dire, ni Shadary, ni Mwilanya, encore moins Mabunda ou Thambwe, personne n’a semblé tirer les leçons de l’histoire politique du pays, à l’instar de l’éclairage qu’apporte un ouvrage passionnant de Honoré N’Gbanda Nzambo Ko Atumba, intitulé : « Ainsi sonna le glas », mettant en lumière les années au pouvoir de Mobutu, mais surtout les éléments qui ont conduit à sa chute.
Travailler pour que Joseph Kabila ne quitte donc pas la scène politique active était une erreur stratégique irréparable pour un acteur qui, même dans l’ombre, pouvait rester l’homme le plus puissant du Congo avec ses affaires.
Pour rappel, selon l’agence Bloomberg (2016), la famille Kabila détient une partie du paysage économique du pays. Au moins 70 sociétés représentant des dizaines de contrats et des centaines de millions de revenus depuis son accession au pouvoir…
Il y a peu, l’opinion nationale avait vite compris que les révélations de l’Inspection générale des Finances sur Bukanga Lonzo et sur la redevance de développement des infrastructures aéroportuaires (IDEF), appelée « GO-PASS », ne sont qu’un échantillon de plusieurs prédations que la RDC a connues sous le régime de Joseph Kabila et que les Congolais devront s’attendre à d’autres révélations plus graves…
Et la chute arriva !
Entretemps, comme un oiseau qui se précipite dans le filet, les caciques de Kabila ont eux-mêmes mis leur conducteur dans la situation de perdre le contrôle de ses chevaux. Ils ont multiplié des fautes que révèlent aujourd’hui leurs ténors d’hier. L’irréalisme d’engager un bras de fer avec un président de la République en fonction ne pouvait que précipiter la chute.
Le renversement, le 10 décembre 2020, du bureau FCC pro Kabila de l’Assemblée nationale était un signal fort, mieux, le début d’un tournant irréversible de la fin de l’histoire du Kabilisme avec Joseph Kabila.
En attendant, la nouvelle majorité regroupant les pro Tshisekedi et ceux qui se sont affranchis de Kabila après des longues années de frustration, va bientôt imposer ses marques avec le vote d’un nouveau bureau et la constitution d’un nouveau gouvernement.
Comme un film ouvert à tout le public, les Congolais assistent à l’histoire d’un bateau qui vogue doucement, au milieu d’un port en effervescence. Cela fait à peine 2 km, ou peut-être deux ans, au sens figuré, qu’il est parti. Deux ans de multiplication de propos arrogants et d’une attitude hautaine de la part de ceux qui ont dirigé hier. Oubliant que c’est toujours l’impensable qui se produit quand on prend le risque de faire face à la majorité silencieuse qu’on croit dompter.
Quelle surprise ! Une machine FCC sans âme, car au premier coup de vent, elle vacille. Du coup, premiers cris, premières frayeurs. La machine semble se redresser, péniblement, comme un géant reprenant son équilibre. Mais quelques secondes plus tard, une seconde rafale, plus forte, survient. Fatale. Le navire penche. Trop. L’eau s’engouffre. Il n’y a plus rien à faire. C’est la panique à bord. Des gens sautent à l’eau en poussant des hurlements… Le sauveteur s’appelle Félix Tshisekedi et sa barque l’Union sacrée de la nation.
Son allié d’hier, l’homme désormais seul, n’a de choix qu’observer impuissamment les départs en cascade dans sa famille politique. Son empire bâti durant plusieurs années, ses bases préparées et posées avant qu’il ne cède le pouvoir à son successeur, s’ébranlent comme un château de cartes. Plus aucune stratégie pour retourner la situation en sa faveur.
L’homme désormais seul, observe et voit plusieurs partis et regroupements membres de son empire FCC changer de cap pour soutenir ouvertement l’Union sacrée de la nation prônée par le président de la République, Félix Tshisekedi. La « loyauté » qui était un refrain monotone à chaque rendez-vous autour de l’autorité morale dans sa ferme située dans la banlieue de la capitale, n’a pas survécu à l’épreuve de la séduction politique.
Kabila seul, est lâché par les siens, même les plus fidèles. Et le petit groupe qui semble encore résister, ne le sera pas pour longtemps face à la force du changement. Fini les beaux jours…
Le pontentiel