Il appert que la plénière de ce mardi 13 avril 2021 va jeter les premiers jalons d’une série de réformes très attendue pour la RD Congo. Nonobstant le come-back de Corneille Nangaa, Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante, CENI, pour répondre aux préoccupations des élus du peuple concernant les rapports généraux du processus électoral 2012-2019 et 2019-2020, les Députés nationaux vont devoir examiner la proposition de loi organique modifiant et complétant la Loi Organique n°10/013 du 18 juillet 2010 portant Organisation et fonctionnement de la Commission Electorale Nationale Indépendante (Loi Lutundula). D’ores et déjà, l’on doit s’attendre à un grand débat républicain où plusieurs élus du peuple vont émettre leurs points de vue quant aux réformes.
Le Président de la CENI va signer son retour à l’hémicycle du palais du peuple, après sa première intervention de vendredi dernier, pour tenter de rencontrer les préoccupations de la représentation nationale en ce qui concerne les rapports généraux du processus électoral de 2012 à 2019. Conformément à l’article 52 de la loi organique de la CENI, le rapport général du processus électoral ayant conduit à la mise en place des institutions actuelles du pays a été donc présenté, par Nangaa à la plénière de vendredi dernier. A la différence des rapports annuels régulièrement soumis à la Chambre basse, à échéance légale, en conformité avec l’art. 28 de la même loi, ce rapport couvre une longue période d’activités électorales s’étendant de 2012 à 2019. Il présente par-là les enjeux annuels, un aperçu panoramique et un compte rendu complet de tout le processus électoral.
En effet, ledit rapport retrace autant la manière dont la CENI a capitalisé les recommandations et résolutions proposées au terme de l’évaluation du cycle précédent que les activités réalisées pour mener à bout ce processus électoral, ainsi que les perspectives qui se présentent après évaluation objective de ce dernier. Dans son élan, Corneille Nangaa avait voulu apporter un avis éclairé de la CENI pour que la plénière décide en connaissance de cause, conformément à l’art. 9 de la loi organique qui confère à la CENI la qualité de conseiller technique en matière électorale aussi bien du Parlement que du gouvernement de la République.
Nécessité des réformes
Pour ce qui est de la nécessité de réformes, le Président sortant de la CENI s’est posé quelques questions de fond, entre autres, faut-il modifier les lois essentielles à chaque cycle électoral ? Au cas où on opte pour une réforme, jusqu’où peut-on aller ? Au regard de la méfiance entre acteurs, comment garantir un minimum de consensus sur des matières à soumettre à la réforme et la démarche à suivre ? Comment concilier toutes ces réformes envisagées avec l’impératif du respect du délai constitutionnel des scrutins de 2023 ? Faut-il subordonner l’organisation des élections au recensement général de la population ? Quid du coût exorbitant de la démocratie quant à l’organisation de 11 scrutins et la prise en charge des institutions issues de ces élections ? Telles ont été les interrogations de celui qui est à la tête de la centrale électorale.
A en croire le Président sortant de la centrale électorale, les objectifs génériques des réformes envisagées pour les scrutins devraient concourir à rendre facile la tenue des scrutins prévus par la loi, réduire le coût des élections, viabiliser les institutions, c’est-à-dire, répondre aux contraintes budgétaires et enfin amenuiser la tension, surtout pour l’élection présidentielle. S’agissant de la présidentielle, Nangaa a présenté plusieurs inquiétudes notamment, en ce qui concerne l’élection du Président de la République au suffrage universel direct et à la majorité simple des suffrages exprimés pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois. Pour lui, ce système a pour avantage d’amoindrir le coût des opérations électorales, mais revêt comme inconvénient, la faible légitimité du président élu.
Présidence à deux tours
Trois questions se posent en termes d’options, chacune ayant ses implications ; faut-il garder la présidentielle à un tour ? Faut-il revenir à deux tours ? Les Conséquences seraient : sur le plan légal, ‘’modifier les art. 70 et 71 de la Constitution et les dispositions subséquentes de la loi électorale (art. 101). Sur le plan techno-financier, tenir compte du coût excessif du scrutin, mais aussi de la crainte opérationnelle et logistique. Sur le plan politique, s’attendre à une légitimité renforcée du président élu, cependant il y a risque réel de polarisation des tendances en présence (Est-Ouest), ainsi qu’une délicate gestion de la période précédant les deux tours. Faut-il élire le Président de la République au scrutin indirect ? Dans l’affirmative, quel serait alors le corps électoral ?’’ s’est-il interrogé.
Lors de la dernière plénière, 82 députés nationaux s’étaient inscrits pour le débat général sur ces rapports. Des tendances s’étaient dessinées au sein de l’hémicycle : la première s’est prononcée contre l’élection du Président de la République aux suffrages indirects et à un seul tour et la deuxième est favorable à la révision des art. 70 et 71, tout en soutenant la proposition de loi Lutundula qu’ils pensent enrichir. La troisième tendance soutient l’audit de la gestion financière de la CENI, veut voir clair sur l’achat des machines à voter et déplore la publication des résultats législatifs avant le dépouillement en provinces. Et Nangaa devra expliquer à la plénière combien des machines sont détruites à ce jour et celles restantes pour les prochains scrutins. Cette même tendance a déploré le retard avec lequel la CENI dépose son rapport, soit un an après la tenue des scrutins.
En gros, Nangaa doit éclairer davantage les lanternes des élus du peuple. Au regard de ces débats, tout laisse à croire que l’examen de la loi Lutundula va retenir l’attention des élus du peuple dont la majorité prône les réformes.
La Prospérité