Après avoir fait grand bruit, suite à la levée de ses immunités par le Bureau du Sénat, au rejet par le Conseil d’Etat de sa requête contre cette décision et à sa mise sous mandat d’arrêt provisoire par le Parquet général près la Cour Constitutionnelle, l’affaire du présumé détournement, par le Sénateur Augustin Matata Ponyo, des fonds décaissés par le Trésor public congolais pour l’indemnisation des victimes de la « Zaïrianisation », va-t-elle prendre le chemin du classement sans suite ? Beaucoup le craignent, au vu de la mainlevée sur sa mise en résidence surveillée, et de la sortie, de la prison centrale de Makala, du DG de la DPRK, présenté comme son ancien Directeur de cabinet.
L’opinion s’interroge sur le sens à donner au dossier de cet ancien Premier ministre, dans la mesure où le rapport ficelé par l’IGF (Inspection Générale des Finances) à sa charge, donne à penser qu’il serait impliqué dans la disparition d’une somme d’environ 100 millions de dollars américains. D’aucuns pensaient que le Parquet Général près la Cour de cassation, au regard de son insistance à obtenir coûte-que-coûte la levée des immunités du sénateur Matata, que l’heure de sa mise en accusation avait sonné, pour la tenue imminente d’un procès de clarification du dossier de la « Zaïrianisation ».
De nombreux esprits sont davantage troublés en apprenant – ce qui reste à vérifier – qu’il y aurait un déficit de preuves dans le dossier de cet ancien chef du gouvernement de la République. Pourquoi alors avoir fait dépouillé Matata de ses immunités, l’avoir interpellé et placé sous mandat d’arrêt provisoire, sous le régime d’une éphémère assignation à résidence, s’il était acquis que le Parquet général près la Cour de cassation n’était pas en possession d’indices sérieux de sa culpabilité ?
L’arrestation et la relaxation d’Augustin Matata laisse de nombreux compatriotes dans le doute quant à la volonté réelle de la justice d’établir les responsabilités de présumés détourneurs dans les dossiers judiciaires ouverts à leur charge et d’aider la République à récupérer des millions de dollars américains effectivement sortis du Trésor public.
Fâcheux précédents avec le DG de l’OR, de Safricas, de Sococ, de la DGRK, de l’ONT…
Augustin Matata Ponyo ne constitue pas l’unique cas de justiciable interpellé par un parquet parce que soupçonné d’avoir fait main basse sur des deniers publics puis remis en liberté. On peut citer, dans le cadre du Programme des 100 jours du Chef de l’Etat, ceux des Directeurs généraux de l’Office des Routes (Mutima Sakrini), de Safricas (Blattner), de Sococ, de la DGRK (Rita Bola), de l’ONT, remis en liberté après des jours voire des semaines de détention préventive à la prison centrale de Makala. Le DG de Soco avait même recouvré sa liberté, de manière frauduleuse sous couvert de la mesure de grâce présidentielle à laquelle il n’était pas éligible, après sa condamnation définitive par la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe.
Un même questionnement revient sur les lèvres des Congolais après des libérations conditionnelles ou des condamnations judiciaires sans lendemain : à quand le remboursement des fonds détournés ou présumés tels ?
C’est bien beau d’ouvrir des dossiers judiciaires et de condamner les coupables ou de libérer de présumés innocents si aucune opération de recouvrement forcé des fonds détournés n’est engagé pour permettre au Trésor public de rentrer dans ses droits, la justice aura manqué à sa mission de régulation de la vie en société et de la chasse à l’antivaleur dénommée « détournement ». Car chaque fois qu’un citoyen présumé détourneur des deniers publics est relâché par la justice dans des conditions ténébreuses, le sentiment du petit peuple est qu’il n’a pas été inquiété grâce à sa position politique ou à son argent, sinon les deux à la fois. Vous avez dit « intouchable » ? Difficile d’effacer le concept des esprits.
Le Phare