Vital Kamerhe, ancien Directeur de cabinet du Chef de l’Etat, condamné au premier degré à 20 ans de travaux forcés par le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe en juin 2020, peine réduite à 13 ans de travaux forcés par la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe en juin 2021, dans l’affaire de détournement de 57 millions de dollars américains destinés au financement des travaux de construction, de réhabilitation et de modernisation des infrastructures de base à Kinshasa et en provinces, dans le cadre du Programme du mandat de Fatshi, a obtenu une liberté provisoire lundi dernier au niveau de la Cour de Cassation. Comme on s’y attendait, son co-prévenu et co-prisonnier, Samih Jammal, Directeur général de la firme Samibo, vient de saisir à son tour la même juridiction pour solliciter sa remise en liberté à titre provisoire. A l’instar de l’ex-détenu Vital Kamerhe, il invoque lui aussi des problèmes de santé pour justifier sa demande de remise en liberté provisoire.
La démarche parait s’inscrire dans l’ordre normal des choses, d’autant que les deux détenus sont restés étroitement liés, du début à la fin de leur procès, à l’infraction de détournement des fonds publics mise à leur charge par le ministère public. L’unique variante, dans leur feuilleton judiciaire, était intervenue au second degré, avec la condamnation de Kamerhe à 13 ans de travaux forcés et de Jammal à 6 ans seulement, alors que les deux co-accusés avaient écopé du même tarif au premier degré, soit 20 ans de travaux forcés.
En attendant la suite à réserver par la Cour de Cassation à la requête de Samih Jammal, l’opinion publique congolaise est sérieusement troublée par la décision judiciaire ayant consacrée la remise en liberté provisoire de Vital Kamerhe, même si elle répond aux dispositions de l’article 47 de la loi organique relative à la procédure devant la Cour de Cassation. Le sentiment que ressentent des millions de Congolaises et Congolais est que l’on s’acheminerait soit vers un classement sans suite du dossier, soit une décision judiciaire en faveur de justiciables dépeints, à l’époque de leur procès, comme des fossoyeurs du programme de 100 jours du Chef de l’Etat, perçu comme le point de départ d’un vaste chantier national relatif aux infrastructures de base.
La crainte qui habite plus d’un est que l’on assiste à un rétropédalage de la justice, dans le sens de l’acquittement pur et simple de Vital Kamerhe et Samih Jammal. L’on devrait, dans ce cas, se demander à quoi aura servi un procès qui était salué, par le commun des Congolais, comme celui de l’intolérance-zéro contre les détournements des deniers publics, une des anti-valeurs qui, avec la corruption, ont sérieusement ruiné les chances de développement du grand Congo.
Bakonga, Bamaros,
Eteni, Matubuana
et autres…
La libération provisoire de Vital Kamerhe semble sonner comme le début de la fin de la traque des criminels économiques au pays. On pouvait penser à tout, sauf à l’obtention de cette faveur par un prisonnier formellement condamné au second degré à une peine aussi lourde que celle de 13 ans des travaux forcés. L’option choisie par la Cour de Cassation de le remettre en liberté ne fait pas l’unanimité. Son maintien en prison ou dans le centre hospitalier où il était en pensionnaire, en attendant la décision définitive de la Cour de Cassation au sujet de l’Arrêt de la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe, paraissait comme le moindre mal au plan du droit.
Du coup, les idées vont vers d’autres justiciables déjà condamnés, comme l’ancien ministre de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique, Willy Bakonga, ou l’ancien Directeur général du Foner (Fonds d’Entretien Routier), Lobota Fulgence Bamaros, condamnés mais sortis de prison avant l’expiration de leurs peines suite aux tripatouillages des mesures de grâce présidentielle, ou encore l’ancien ministre de la Santé, Eteni Longondo, parti à l’étranger pour des soins quelques jours seulement après avoir fait l’objet d’un mandat d’arrêt provisoire et placé en détention préventive à la Prison centrale de Makala dans une affaire de détournement présumé des fonds liés à la riposte contre le Covid-19.
On peut citer aussi l’ancien Gouverneur du Kongo Central, Atou Matubuana, en fuite à l’étranger après avoir été accusé de détournement des deniers publics, mais réhabilités dans ses fonctions par le Conseil d’Etat, sans que l’intéressé ne s’avise à revenir au pays reprendre son poste. Des questions commencent à fuser de partout au sujet d’une justice congolaise qui donne la nette impression de fonctionner à double vitesse.
Kimp
Le Phare