Officieusement, il était pratiquement le « vice-président de la République », le faiseur des rois dans l’entourage du chef de l’Etat. Plusieurs fois ministre et député national, Steve Mbikayi Mabuluki a publié jeudi à Kinshasa une tribune qui interroge. Pour l’ex-kabiliste devenu un radical de l’Union sacrée, la condamnation de Jean-Marc Kabund vient briser l’élan d’une carrière politique fulgurante.
Très écouté par Félix Tshisekedi suite notamment à des moments difficiles vécus ensemble dans l’opposition, l’apport de Jean-Marc Kabund dans la fragilisation du FCC et la recomposition de la majorité était remarquable. « Bien géré, sa position lui permettait de consolider davantage son leadership dans la majorité et je parie qu’il aurait dû être le dauphin de la majorité pour 2028 », spécule le leader du Parti travailliste (PT). Sa tribune consacrée à la condamnation de Kabund indique qu’il y a une différence entre l’ivresse du lait et celle de l’alcool. Et dans le deuxième cas, dit-il, la personne est consciente de son état.
Dans le premier, l’ivresse est très dangereuse parce qu’on ne s’en rend pas compte. Seuls les observateurs le constatent et en déplorent ses effets. «Jean-Marc Kabund est un acteur politique très brillant et courageux. Il l’a démontré à maintes reprises », reconnaît Mbikayi. Partant de ces qualités, il était dans les grâces du président de la République, fait-il observer.
– Il n’a pas su bien gérer son succès –
Le président du Parti travailliste estime que Kabund a mal géré sa proximité avec le chef de l’Etat au point de vouloir s’appuyer plus sur les relations d’amitié que sur celles d’un collaborateur avec l’autorité.
« Plusieurs commettent cette erreur dans leurs relations avec un membre de famille ou un ami élevé en dignité. Tout en gardant la même proximité, le subalterne doit se mettre à sa place même si le chef reste simple et plus accessible », relève Steve Mbikayi. Pour lui, l’ex-numéro un de l’Udps avait péché sur ce point. « Il avait fait un mauvais calcul. Si Kabund n’a pas su gérer son succès, d’autres n’ont pas non plus su gérer leurs frustrations. C’est le cas de Franck Diongo et Delly Sesanga », fait-il remarquer. Ceux qui, pour avoir combattu dans l’opposition, s’attendaient à occuper des positions confortables dans un système qu’ils ont considéré comme le leur, écrit-il. Ayant attendu longtemps sans rien recevoir, ils ont tourné casaque . « Mais, pour quelle finalité ? », se demande Steve Mbikayi. Appartenant à la même communauté que le prince, ils devaient savoir que leurs actions ne porteraient pas, souligne-t-il. « Ils auraient dû ruminer leur chagrin sans passer à l’acte. Il faut agir quand son action peut changer quelque chose. Sinon, il faut se résigner en attendant le jour meilleur », mentionne Mbikayi. Se mettre à crier dans le désert, se comporter en un crapaud qui jette de la salive à un aigle diminue davantage, note-t-il avant d’en conclure qu’il fallait bien gérer la déception.
– En prison jusqu’en 2030 –
Les 6 ans de plus qu’il pourrait passer derrière les barreaux joueront sûrement contre lui. « S’il les épurge, il en sortira en 2030 très affaibli politiquement, avec toutes les poches trouées », estime Steve Mbikayi Mabuluki. Il faudra à Jean-Marc Kabund À Kabund, de repartir à zéro sans espoir de récolter les mêmes succès. La leçon est qu’on ait tort ou qu’on ait raison, dit-il, il faut mesurer la portée du coup avant de le lancer. « S’il ne peut pas atteindre la cible, il ne faut pas gaspiller son énergie pour rien. Il faut attendre », conseille le député du haut de ses trente ans d’expérience politique : « Je sais que pareille condamnation se terminera sûrement par une grâce présidentielle », souhaite-t-il. Dans cette hypothèse, monsieur (Kabund) fera son come-back en politique et occupera un espace qui lui permettra de refaire la paix avec son mentor et de rebondir convenablement pour 2028. « Au cas contraire, il faudra organiser ses funérailles politiques », a-t-il prévenu dans sa tribune.
Athanase Mwenge
Ouragan