Dès lors que la radio trottoir devient un émetteur puissant, une version officielle de l’affaire s’impose.
L’actualité en RD Congo reste encore dominée par l’interpellation, le samedi 5 février courant, du Conseiller spécial du Président Félix Tshisekedi en matière de sécurité. François Beya, parce qu’il s’agit de lui, a passé sa nuit du weekend dans les installations de l’Agence nationale des renseignements (ANR). Rien de scoop du journal, dès lors que les images montrant l’ancien patron de la Direction générale de migration (DGM), déchaussé et assis sur un canapé, dans un bureau de l’ANR, ont été très largement partagées sur les réseaux sociaux.
Question : que s’était-il passé exactement en ce samedi 5 février, alors que le Chef de l’Etat congolais, arrivé fin mandat à la présidence de l’Union africaine (UA), passait le témoin à son homologue sénégalais Macky Sall à Addis-Abeba ? Mystère ! En tout cas, soixante-douze heures après, les Congolais ignorent encore tout. Par conséquent, chacun y va de sa version. Toutefois, la thèse la plus répandue dans l’opinion est celle d’une tentative de coup d’Etat. Est-ce cela ?
Le mystère demeure entier. Et pour cause, depuis le début de cette affaire, le Gouvernement semble s’enfermer dans un mutisme total qui accentue la spéculation. Quoi de plus normal quand, dans un contexte précis de crise, la radio trottoir devient l’émetteur puissant, en lieu et place des médias publics qui sont des canaux par excellence de communication pour les dirigeants du pays.
QUAND LE SILENCE TUE…
Dès lors que la personne mise en cause est le Conseiller du Chef de l’Etat en matière de sécurité, on ne peut que comprendre le caractère hyper sensible de la question. Sans chercher de mots, le sujet impose une bonne communication de crise. Et, effectivement, il y a crise tant il s’agit de la sécurité ou même de la sûreté de l’Etat, entendue ici comme une matière susceptible de troubler, non seulement l’ordre public, mais aussi et surtout, la quiétude des Congolais.
Dans ce contexte précis, ici comme ailleurs, le silence est la pire des communications. Nombreux sont des experts qui postulent qu’une bonne gestion de crise à l’ère des réseaux des réseaux sociaux nécessite de la lumière, portée par ces vecteurs que sont l’Internet et les médias sociaux. Et, c’est ici que des observateurs sont unanimes que le Gouvernement doit dire quelque chose.
Si prudence est mère de sûreté, les temps « troubles » et parfois complexes au sein desquels vivent les Congolais depuis le weekend dernier, appellent au contraire un éclaircissement de la part des autorités du pays. Pour le cas d’espèce, il n’est pas question pour le Gouvernement, de prendre position. Mais plutôt, de donner une version des faits par rapport à toute la rumeur autour de cette affaire. On ne le dira peut-être jamais assez, le silence tue.
Oui, le silence est parfois d’or. Utilisé comme stratégie dans la communication de crise, le mutisme peut être un atout dans une communication sous contrainte judiciaire. Mais pour le cas de figure, il n’en est pas question. Le fait pour le Gouvernement, de continuer à garder le silence, donne à l’opinion l’impression qu’il a quelque chose à cacher.
Au demeurant, le droit de la presse à l’accès aux sources officielles et celui du public à l’information sont consacrés par la législation en vigueur. Pour une question qui touche visiblement à la sûreté de l’Etat, on n’attend pas du Pouvoir qu’il révèle des secrets d’Etat, qu’il donne un minimum d’éléments d’information de nature à tordre le cou aux versions aussi anxiogènes que loufoques qui circulent à travers le pays.
En un mot comme en cent, on devrait donc éviter que la gestion de l’ »affaire Beya » soit prise en charge par les internautes. La responsabilité incombe plutôt aux professionnels des médias. Indépendamment de leurs lignes éditoriales, ces derniers relayent la version officielle des faits. Faute de quoi, le silence du Gouvernement continuera à amplifier la supputation.
Grevisse KABREL
Forum des as