Dans un mémorandum adressé au chef de l’Etat dans le cadre de la conférence ouverte hier, ils expliquent que ce montant vise « la réalisation des actions à impact visible à l’actif du quinquennat du Président de la République ».

A travers un mémorandum lu par le porte-parole de leur collectif, Boongo Pancrasse, Gouverneur de la Tshuapa, les gouverneurs de provinces de la RDC ont demandé au chef de l’État une somme de 2 millions de dollars américains pour le développement de chaque province.

Cette demande, formulée dans le cadre de la 8ème session de la conférence des gouverneurs de provinces, vise « la réalisation des actions à impact visible, destinées à meubler davantage l’actif du quinquennat de Félix Tshisekedi« .

Parmi d’autres sollicitations des gouverneurs figurent également la dotation de ces représentants du Président de la république dans les provinces de véhicules de fonction. Ils sollicitent aussi la surséance de l’organisation des élections de gouverneurs et des vice-gouverneurs dans les provinces déstabilisées et le renforcement des mécanismes de résolution des conflits.

« PAIEMENT SELECTIF ET SPORADIQUE DE LA RÉTROCESSION »

Dans ce même mémo parvenu à Forum des As, les chefs de l’Exécutif provincial dénoncent « le paiement sélectif et sporadique de la rétrocession due aux institutions provinciales permettant de payer les émoluments des Exécutifs provinciaux« .

Sur ce point précis, ils ont porté à la connaissance de Félix Tshisekedi leurs désidérata.« (…) De tous les élus du peuple, seuls les gouverneurs de provinces sont restés impayés depuis 31 mois, avec eux tous les membres des gouvernements provinciaux et leurs cabinets« , a déclaré le doyen des gouverneurs lisant ledit mémorandum.

Les gouverneurs de provinces ont également fustigé la façon dont le Gouvernement central leur verse les frais de fonctionnement.

« Le versement sporadique des frais de fonctionnement sur fond des disparités semblent ne s’appuyer sur aucun critère objectif, mais plutôt sur des variables politiques ou régionales. Mais aussi le paiement sélectif et sporadique des crédits d’investissement et le non-paiement des fonds secrets de recherche« , ont-ils fait savoir.

Pour les gouverneurs des provinces, « la non- opérationnalité de la caisse nationale de péréquation » constitue un handicap majeur dans la gestion de ces entités.

LE SATISFECIT DE NGOBILA

Dans son intervention au cours de ces travaux, Gentiny Ngobila, gouverneur de Kinshasa, a remercié Félix Tshisekedi pour le choix porté sur la ville de Kinshasa pour la tenue de la 8ème conférence des gouverneurs.

Il a exprimé au Président de la république toute la reconnaissance au nom des Kinois et Kinoises, car la ville de Kinshasa bénéficie pour la deuxième fois consécutive de la plus-value d’une Conférence des gouverneurs de Province sous son mandat.

« Je note que cette huitième session de la conférence des gouverneurs de province se tient dans la période des festivités de fin d’année. Je saisis cette occasion pour présenter, au nom des kinoises et kinois et au mien propre, les vœux de paix, de bonheur, de prospérité et de succès au Président de la République et à sa famille pour l’année 2022 qui pointe à l’horizon« , a déclaré Gentiny Ngobila au Palais de la Nation.

« Je note, en second lieu que nous tenons cette session dans un contexte particulier lié à la quatrième vague de la pandémie de la Covid-19, qui constitue une réelle menace multiforme pour le développement de notre pays en général et de la ville de Kinshasa en particulier » , a -t-il déclaré.

« A cet effet, je voudrais me permettre de paraphraser Son Excellence Monsieur le Président de la République, je cite : En effet, les conflits entre les institutions provinciales se sont exacerbés au cours de cette année, au point d’hypothéquer foncièrement le développement des provinces concernées. Il y a lieu de noter que 14 provinces sur 26 ont connu la destitution de leurs gouverneurs par les Assemblées provinciales.

   « À la suite de ces mêmes conflits, certains présidents des Assemblées provinciales ont aussi été démis de leurs fonctions. Il est extrêmement important pour chacun de ces acteurs provinciaux de prendre réellement conscience qu’aucun développement ne peut se faire dans pareil contexte de crise« , a conclu le gouverneur de la ville province de Kinshasa.

Les gouverneurs de provinces ont deux jours pour trouver les voies et moyens pour assurer la stabilité de la gouvernance provinciale sans laquelle il n’y a point de développement communautaire des 145 territoires.

QUID DES PROGRAMMES QUINQUENNAUX DES GOUVERNEURS?

Secret de polichinelle. Les provinces en RD Congo sont, dans l’ensemble, très pauvres. Cet état de pauvreté s’est exacerbé avec le démembrement des 26 anciennes provinces qui a porté à 26, le total de provinces du pays. La caractéristique commune est que ces nouvelles entités n’ont pas d’infrastructures de base pouvant impulser leurs développements. Nombreuses parmi elles n’ont pas n’ont plus de bâtiment propres servant de siège. Dans ces conditions, pas étonnant que certains gouvernorats soient des locataires.

Lorsque les Gouverneurs de provinces demandent l’aide financière du Président de la république, sous prétexte de réaliser des projets à impact visible à mettre à l’actif du quinquennat de ce dernier, cette requête suscite bien de questions. Certes, personne ne saurait méconnaitre aux gouverneurs de provinces, leurs qualités de représentants du Président de la république dans leurs juridictions respectives.

Cependant, il ‘est une évidence que malgré le fait d’être le représentant du Gouvernement central en province, un gouverneur est avant tout l’émanation des suffrages exprimés en province, au nom du régionalisme constitutionnel. Pour dire simplement les choses, il n’y a pas un seul gouverneur de province qui a été élu dans la foulée du Président de la république. Aucun d’eux n’est pas non plus l’appendice du Chef de l’Etat.

DEJA EN PRECAMPAGNE?

Dès lors que les gouverneurs de provinces demandent des moyens au Chef de l’Etat pour la visibilité de son quinquennat, on se demande alors si les 26 sont déjà dans la précampagne pour 2023. Si la raison de la demande est bien celle qu’ils ont avancée, à savoir des projets à impact visible à mettre dans l’actif du quinquennat de Fatshi, il se pose-là, un autre problème lié au soubassement même de l’élection des gouverneurs.

APPLICATION DES TEXTES

Nul n’ignore qu’au-delà des accommodements dictés par la conjoncture politique d’alors, chaque gouverneur est supposé avoir été élu sur base d’un programme qui avait convaincu ses électeurs. En l’espèce, les députés provinciaux. De ce fait, tout Gouverneur de province à son propre quinquennat. C’est à l’aune du programme présenté à l’assemblée provinciale qu’il est jugé. En tout cas, il ne l’est pas en fonction de la réalisation des promesses électorales du Chef de l’Etat.

Demander des moyens financiers au Président de la république, les Gouverneurs de province donnent l’impression d’ignorer le cadre constitutionnel de leur assistance. Plutôt que de solliciter du Chef de l’Etat, 2 millions de dollars américains, les Gouv devraient militer pour l’application des textes qui, justement, leurs reconnaissent les moyens auxquels ils peuvent aspirer légitiment et en toute légalité.

Il s’agit, entre autres, de l’article 175 de la Constitution qui, en son alinéa 2, dispose : « La part des recettes à caractère national allouées aux provinces est établie à 40%. Elle est retenue à la source ».

Par ailleurs, l’article 181 de la même constitution du 18 février 2005 en vigueur, met en place un autre cadre d’assistance financière aux provinces. A savoir, la caisse nationale de péréquation. Les alinéas 1 et 2 dudit article stipulent : « il est institué une Caisse nationale de péréquation. Elle est dotée de la personnalité juridique. La Caisse nationale de péréquation a pour mission de financer des projets et programmes d’investissement public, en vue d’assurer la solidarité nationale et de corriger le déséquilibre de développement entre les provinces et entre les autres entités territoriales décentralisées ».

Toujours selon l’article sus-évoqué, « la Caisse de péréquation dispose d’un budget alimenté par le Trésor public à concurrence de 10% de la totalité des recettes à caractère national revenant à l’Etat chaque année. La Caisse de péréquation est placée sous la tutelle du Gouvernement ».

A la lumière de ces dispositions légales, les Gouverneurs de province ne devraient plus se tromper d’approche quant au combat à mener pour faire valoir les droits de leurs juridictions respectives. Leur lutte devrait donc consister à pousser le gouvernement à appliquer les textes qui leurs reconnaissent des droits liés au développement des provinces.

Mais au-delà de tout, l’on doit cependant admettre qu’il n’existe pas une seule province qui n’ait aucune ressource pour son développement. Si certaines sont bénites par des pierres précieuses, en l’occurrence le Haut-Katanga, le Lualaba, le Nord-Kivu, l’Ituri…il en existe d’autres qui peuvent relever le défi de leurs développements grâce à l’agriculture. Cas de l’espace Grand Bandundu. Il suffit, pour le Gouvernement central, de mettre ces provinces dans des conditions qui les permettent de créer des ressources. Et c’est possible si l’on restituent aux exécutifs provinciaux les 40% des recettes à caractère national prévus par la Constitution.

A partir du moment que la loi est claire et que, malheureusement, les Gouverneurs de provinces s’en remettent au Président de la république pour solliciter des moyens financiers, au motif de matérialiser des projets à impact visible à mettre dans l’actif de son quinquennat, plus d’un observateur pense que ca sent du clientélisme politique à mille lieues.

Grevisse KABREL & Rachidi MABANDU
Forum des as

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