Après la retraite gouvernementale du jeudi 12 avril 2018 dans sa ferme de Kingakati, le chef de l’Etat s’est adressé, hier lundi à la Cité de l’Union africaine, aux députés de la MP, auxquels étaient associés ceux du Palu. Contrairement à l’objet de la rencontre de Kingakati, à la Cité de l’UA, Joseph Kabila s’est présenté en commandant des troupes, réglant avec subtilité, assortie de fermeté, sa succession au-delà des impératifs de paix et de développement ainsi que des contraintes du processus électoral.

En l’espace d’une semaine, le président Joseph Kabila s’est retrouvé face à ses principaux soutiens politiques. Jeudi 12 avril dernier, il avait réuni dans sa ferme de Kingakati le gouvernement pour, selon le communiqué diffusé par le secrétariat général du gouvernement, procéder à « l’évaluation de la situation politique au regard du processus électoral en cours et des impératifs de paix et de stabilité du pays ». Selon le même communiqué, une réunion similaire est prévue cette semaine, sans doute, dans le même format pour approfondir les discussions du jeudi 12 avril 2018.

Moins d’une semaine après, revoici Joseph Kabila, hier lundi 16 avril, devant les députés et sénateurs de la Majorité présidentielle dans une réunion organisée à la Cité de l’Union africaine. Malgré certaines tourmentes qui ont secoué leur alliance, les parlementaires du Palu ont été associés à cette rencontre. Autrement dit, l’alliance MPPalu est repartie sur de nouvelles bases. Ce qui devrait dissiper tous les malentendus de ces dernières semaines.

Lundi à la Cité de l’UA, Joseph Kabila est apparu dans son costume de commandant en chef d’une majorité qu’il est prêt à conduire à la victoire par les urnes. « Le processus des élections est sur les rails », a indiqué le chef de l’Etat, comme pour apaiser ses troupes, leur demandant de « ne pas avoir peur ». Pour ceux de sa famille politique qui douteraient encore de sa capacité de rebondir pour, éventuellement faire sauter le verrou de l’article 220 qui bloque la voie à un troisième mandat constitutionnel, le président Kabila a semblé dire, lundi dernier à ses députés et sénateurs, qu’il avait le contrôle de la situation. Décidément, il donne l’impression d’être sûr de lui.

A la cité de l’UA, Joseph Kabila a parlé élections, double nationalité et sécurité, spécialement dans les provinces agitées de l’Est et du Grand Kasaï. Pendant près de deux heures, il s’est adressé à ses parlementaires, sans que son intervention ne soit suivie d’aucun débat. Le ton était apparemment celui l’autorité morale qui commençait à voir venir des signes de faiblesses, voir une tendance à s’écarter de la ligne tracée depuis la charte de Kingakati qui a créé la MP. Même le Palu qui semblait prendre ses distances avec la MP a été ramené dans le rang. Députés et sénateurs de la MP et du Palu ont reçu, non seulement des instructions précises mais aussi des assurances à tenir ferme jusqu’à la victoire.

Lundi à la cité de l’UA, le président Joseph Kabila s’est débarrassé de l’étoffe du laboureur (Fables de la Fontaine) qui sentirait sa fin approcher. C’est plutôt en chef des troupes, sûr et fort de la méga-plateforme politique qui l’entoure, qu’il s’est adressé à son principal état-major politique, ci-devant députés et sénateurs qui siègent dans les deux chambres du Parlement. Puisque sa communication a été écrite à l’avance, des indiscrétions rapportent que Joseph Kabila a pris le soin de zapper les questions qui font débat, notamment celles liées à la machine à voter et à l’audit du fichier électoral. Selon lui, la Céni serait en mesure de respecter son calendrier électoral publié le 5 novembre 2017. Par ailleurs, il n’a pas fait non plus allusion à la question de son éventuel dauphin à la prochaine présidentielle.

Ce suspense est un message qui en dit long sur ses vraies ambitions. Si la Constitution lui interdit jusqu’à ce jour de prétendre à un troisième mandat présidentiel, Joseph Kabila se réfère néanmoins à la même Constitution pour couper court sur le débat autour de la double nationalité. « Ma position, c’est de défendre la Constitution », a lancé le président Kabila ; une pique indirectement destinée à Moïse Katumbi, candidat d’ « Ensemble pour le changement » à la prochaine présidentielle.

ET APRÈS ?

Après cette nouvelle apparition du chef de l’Etat, il n’y a plus de doute à faire sur ses intentions réelles par rapport à l’avenir immédiat. A tout prendre, son attitude, laissent entendre maints observateurs, indique que Joseph Kabila ne serait pas prêt à rendre le tablier. La question n’est donc pas à l’ordre du jour. Il va se battre jusqu’au bout.

Face à l’incertitude qui menaçait les fondations de la MP, allant jusqu’à pousser le Palu, son vieil allié, à reconsidérer son alliance de 2006, Joseph Kabila s’est lancé dans l’arène. Il se présente en commandant des troupes que députés et sénateurs à la Cité de l’Ua, ont écouté religieusement. C’était ni plus ni moins une séance de réarmement moral de la MP et de son allié, le Palu.

En lançant « n’ayez pas peur », le président Kabila lance un message qui va bien au-delà du cadre étriqué de sa famille politique. Ce discours est en réalité destiné à toute la classe politique. A travers ce message, le chef de l’Etat veut dissuader tous ceux qui envient son siège présidentiel : il ne lâchera pas de si tôt. Ce n’est pas pour rien qu’il se présente en fervent défenseur de la Constitution, dont il exploite avec délectation l’article 70, lequel lui offre la possibilité de rester en poste jusqu’à l’élection du nouveau président. C’est tout dire. Il ne fait donc pas se leurrer. Le président Kabila reste au centre de tout. Il a la maitrise de tout. Autrement dit, les élections se feront certes, mais rien ne devrait s’organiser sans lui ou en dehors de lui.

Le plus évident est que le processus électoral reste toujours incertain. Sans doute, le chef de l’Etat est-il en train de préparer un grand coup. On ne sait dans quel sens. Mais, sa rencontre avec les parlementaires, précédée, jeudi dernier, d’une retraite dans sa ferme de Kingakati avec l’ensemble du gouvernement rentre dans un schéma bien tracé. Il y a une grande coalition qui se met en place autour de Kabila. A côté de son ancienne famille politique, Joseph Kabila voudrait élargir ses soutiens en incluant tous les partis qui se retrouvent dans le gouvernement. C’est avec cette mégaplateforme politique qu’il entend négocier son avenir politique. Mais encore, c’est avec celle-ci qu’il espère faire sauter le verrou de l’article 220 de la Constitution.

Le Potentiel

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