«De la vertu, l’honneur est la délicatesse». Samy Badibanga, admirateur de Jules César, ultime chef de la République romaine antique, n’ignore pas ce proverbe latin.

Seul rescapé du premier bureau définitif du Sénat, laminé en rase campagne par une pluie des pétitions qui en a cueilli à froid les six autres membres, lui, il n’est pas parti frappé par le sceau de l’infamie: ses pourfendeurs, aux abonnés absents, ont été publiquement déplumés au point qu’ils n’ont même pas eu le courage de défendre leur pétition, préférant sécher la séance plénière consacrée au traitement de toutes les pétitions. Mais c’est au moment où plus personne ne s’y attendait, après qu’il ait conservé aussi bien son poste que son honneur, que le Premier ministre honoraire crée la surprise : il démissionne sans crier gare, plongeant du coup aussi bien la ville haute que la cité populaire en émoi !

Pourquoi ce départ d’un poste envié par tous ? Les spéculations et supputations vont bon train. Mais, fidèle à sa tradition, le concerné garde un silence royal, donnant juste l’impression d’un sentiment de devoir accompli. «Comme César le romain, sa force, son courage, son intelligence et son adresse tiennent véritablement du prodige», assène un journaliste de Kinshasa. En effet, son côté stratège et tacticien fait de lui l’un des bras droits du chef de l’Etat dans la démarche qui a consisté à reconfigurer la majorité aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Mission accomplie avec brio. Qui aurait bien pu croire que le chef de l’Etat réussirait l’incroyable tour de force de faire basculer la majorité dans les deux chambres du Parlement dans le cadre de l’Union sacrée ? Cette promesse qui a laissé aussi pantois qu’admiratifs nombre de connaisseurs des arcanes politiques zaïro-congolais dont des journalistes de renom.

ACTEUR CLE

Pour réussir ce remarquable exploit, le président de la République a su s’entourer.

Soldats baroudeurs, agiles spadassins, et fins tacticiens se sont ainsi retrouvés autour du chef de l’Etat pour ce qui a été sans conteste le moment le plus palpitant de l’histoire du combat démocratique du peuple congolais, chacun jouant à merveille sa partition. Ces hommes et femmes ont mis en place un plan de combat politique, une stratégie et une ligne d’attaque bien pensée qui ont conduit à cette éclatante victoire sur un FCC désormais réduit à sa plus simple expression, et à la mise en place de la majorité de l’Union sacrée dans les deux chambres. Avec, à la clé, un renouvellement des acteurs politiques, un changement de majorité, un nouveau gouvernement en gestation animé par un premier ministre issu du cru, millésimé 2021. Dire que ceci est un fait du hasard serait faire offense à l’intelligence politique de Fatshi. Mais citer Samy Badibanga parmi les acteurs clés de cette révolution silencieuse serait faire justice au leadership décidément éclairé de Félix Tshisekedi qui a su sélectionner les meilleurs de sa famille. En effet, un sénateur du MLC nous déclare que c’est Samy Badibanga qui a initié le processus du renouvellement de la majorité au Sénat et l’a conduit avec maestria jusqu’à son terme avec l’élection d’un nouveau bureau aux couleurs de l’Union sacrée de la Nation, fidèle au chef de l’Etat.

Et voilà que c’est au moment où il faut fêter la nouvelle ère qui pointe à l’horizon consécutivement à la bérézina infligée au FCC, que Samy Badibanga décide volontairement de se mettre en réserve de la République, abandonnant une fonction particulièrement importante dans l’architecture institutionnelle du pays. Pourquoi ? Pour aller où ? Pour faire quoi ? Les questions se multiplient, sans obtenir la moindre réponse pour l’heure, chacun y allant de sa spéculation. Dans tous les cas, Samy Badibanga n’est pas un situationniste, et encore moins un opportuniste. Il est plutôt un homme d’idéal, aux convictions bien ancrées. Membre d’honneur de l’UDPS depuis 1994 et premier bailleur de l’actuel parti présidentiel, il a été le seul conseiller spécial d’Etienne Tshisekedi qui appréciait en lui son sens de la négociation, son abnégation au travail, et son impressionnant carnet d’adresses.

PRESCIENCE ET TALENT

Mais Samy Badibanga Ntita est un homme qui sait réserver des surprises : c’est lorsqu’on s’y attend le moins qu’il surgit. En novembre 2016, tous les analystes et acteurs politiques célébraient déjà la nomination de Vital Kamerhe à la primature, mais c’est bien lui qui fut nommé Premier ministre à l’issue du Dialogue de la cité de l’Union africaine. En juillet 2019, rebelote : il bat à plate couture le baron kabiliste Evariste Boshab pour le poste de premier vice-président du Sénat, dans une assemblée pourtant gagnée majoritairement au FCC. Fidèle à sa légende, il démissionne quand nul ne l’a vu venir.

L’homme dispose d’une longueur d’avance qui le rend incompris par certains au moment où il entreprend une action, et sa préscience et son talent lui attirent bien souvent l’hostilité de ceux qui craignent la présence d’un homme particulièrement doué aux côtés du chef de l’Etat, au risque d’être eux-mêmes renvoyés dans l’ombre.
Au-delà de toutes les spéculations, seul l’avenir proche dira le prochain challenge que Samy Badibanga va affronter.

B.M.
Forum des as

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