Entre le président de la République Félix Tshisekedi et Joseph Kabila on est encore loin d’un compromis. Le chef du FCC est à la manœuvre et fort de sa large majorité à l’Assemblée nationale, il entend dicter les règles de jeu, allant jusqu’à obliger le chef de l’Etat à se soumettre à ses exigences. Au-delà du gouvernement, il a également ciblé les provinces les plus juteuses. Ce partage inéquitable de pouvoir entre le Cach et le FCC ne se fera pas sans heurts.
Deux mois après sa prise des fonctions, le président de la République Félix Tshisekedi n’a pas levé le verrou qui bloque le passage à la formation du gouvernement. S’il est déjà établi qu’on ne passera plus par la nomination d’un informateur, eu égard au compromis trouvé entre le Cach et le FCC, le chef de l’Etat peine toujours à nommer le prochain chef du gouvernement. Il est tout aussi évident que le prochain Premier ministre viendra du FCC, la plateforme politique majoritaire à l’Assemblée nationale. Quant à l’oiseau rare qui occupera les bureaux de la primature, les discussions entre le FCC et le Cach n’ont pas encore livré leur secret.
Toujours est-il que les bruits des couloirs commencent déjà à fuiter quelques bribes d’informations. Le FCC tient à arracher la grosse part du gâteau. Il s’appuie à cet effet sur la disposition constitutionnelle qui prévoit que la formation du gouvernement tienne compte de la « représentativité » à l’Assemblée nationale. En vertu de ce principe, le FCC réclame, rapportent des sources internes de la présidence de la République, la part du lion dans le prochain gouvernement. Et l’appétit du FCC ne s’arrête pas au gouvernement. Au niveau du Parlement, le FCC a déjà procédé à la redistribution des cartes.
Les bruits des couloirs
Selon toute vraisemblance, c’est le PPRD, première force politique du FCC, qui aura en plus du gouvernement le contrôle de l’Assemblée nationale. Dans cette nouvelle configuration, c’est l’AFDC-A de Modeste Bahati Lukwebo qui pourrait probablement s’installer au perchoir du Sénat. Dans les deux Chambres du Parlement, les premières délibérations des réunions intenses entre le FCC et le Cach prévoient d’attribuer deux postes à l’opposition dans les deux chambres du parlement, à savoir le 2ème vice-président et le rapporteur adjoint.
Dans le cadre de la coalition, le FCC tient certainement à maintenir son influence sur son partenaire, le Cach. Ainsi, au niveau des provinces, le FCC s’inspire particulièrement de la configuration actuelle des bureaux définitifs des assemblées provinciales. Au terme des élections des bureaux des assemblées provinciales organisées dans les 24 provinces retenues par la Ceni, le FCC a triomphé dans 20 provinces, ne laissant qu’une part congrue au Cach.
Au niveau des exécutifs provinciaux, le FCC travaille déjà sur le même scénario. Il vise le contrôle de 20 provinces sur les 26 que compte la RDC. Mais, là où le bât blesse, c’est lorsqu’il revendique le contrôle de l’exécutif des provinces les plus juteuses. Des sources indiquent que le FCC n’est pas prêt à faire des concessions sur ce point précis. Les provinces visées par le FCC sont notamment Kinshasa, le Kongo central, le Lualaba, le Haut-Katanga et la Tshopo. Aux autres, c’est-à-dire le Cach et l’opposition, de se partager le reste, moins attrayant.
Les mêmes sources révèlent que des instructions précises ont été transmises aux états-majors du FCC pour que ces options triomphent, quoiqu’il en coûte.
Tout pour le FCC, des miettes pour les autres
Dans cette configuration, c’est encore et toujours le FCC qui sera le grand gagnant ; la plateforme du chef de l’Etat, le Cach, ne devant se contenter que des miettes. C’est donc toutes les institutions aussi bien nationales que provinciales qui vont se retrouver sous la coupe du FCC.
Qu’en est-il alors de l’alternance tant attendue ? Tendrait-on déjà vers une rupture dans la continuité du système Kabila ? En tout cas, c’est ce cas de figure qui semble l’emporter dans les discussions internes entre le FCC et le Cach. Bref, l’alternance qui a nourri le rêve de tout un peuple n’aura pas lieu. Tout comme la rupture avec le système Kabila ne sera pas non plus au rendez-vous.
A tout prendre, au terme des élections du 30 décembre 2018, c’est Joseph Kabila qui sort gagnant. Il aura sous son contrôle le gouvernement, les deux Chambres du Parlement et la quasi-totalité des exécutifs provinciaux, soit 20 sur les 26 provinces. Quelle sera dès lors la marge de manœuvre du président Félix Tshisekedi ? A première vue, elle sera si étroite que le chef de l’Etat ne saura pas dicter le rythme à toutes ces institutions.
Comme l’a prédit l’analyste d’Afrikarabia, on tend certainement vers une « gouvernance bicéphale », avec d’un côté, Félix Tshisekedi se faufilant péniblement derrière les prérogatives que lui confère la Constitution, et de l’autre, Joseph Kabila, interférant sur la marche de l’Etat au travers de sa plateforme, le FCC.
Vu sous un autre angle, c’est le FCC qui se prépare à prendre sa revanche. Il a certes perdu la présidence de la République, mais il a l’assurance de contrôler le Parlement et les exécutifs provinciaux pour compliquer la tâche au chef de l’Etat. Ça sera la grande bataille de cinq prochaines années au sein de la coalition au pouvoir.
Le Potentiel / MCP